Istanbul – Partie 4

Dimanche 17 avril 2011 :

Aujourd’hui, c’est grasse matinée ! On traîne tranquillement au lit en profitant des rayons de soleil filtrant à travers les rideaux. Guides et cartes d’Istanbul en main, nous cherchons quoi faire dans l’après-midi. Par chance, il semble que tout soit ouvert le dimanche du côté de Karaköy et de l’avenue commerçante Istiklâl.

Mais avant d’emprunter le Galata Köprüsü, nous faisons une halte à la Mosquée bleue dans l’espoir de la visiter. Malheureusement, il est déjà un peu tard et c’est l’heure de la prière. Apparemment, les visites ne reprennent pas avant deux bonnes heures… Il faudra revenir plus tard. Qu’à cela ne tienne, nous sautons dans le tram en direction de Karaköy.

Nous traversons la corne d’or qui sépare la rive européenne en deux. Nous marchons ensuite en direction de la tour Galata, point touristique offrant une vue à 360° sur la ville. Mais à notre arrivée, la file d’attente est effrayante. Nous préférons nous arrêter un moment pour déjeuner car, n’ayant rien avalé de la matinée, nos estomacs commencent à crier famine. Nous faisons halte chez Yommy, une enseigne spécialisée dans les yaourts glacés. À l’intérieur, c’est vide. Le patron en profite donc pour papoter un peu avec nous, puis il part préparer notre commande derrière son comptoir. On l’entend s’affairer, il prend son temps et semble mettre tout son cœur dans la préparation de nos… sandwiches ! De la musique brésilienne déroule ses notes suaves et nous délasse l’esprit, reléguant le froid au-dehors. Nous mangeons avec appétit et délectation.

Une fois nos estomacs calmés, nous sommes prêts à affronter le froid et la longue file d’attente qui enserre la tour… Mais finalement, nous nous rendons compte que l’on avance assez vite et, rapidement, nous arrivons dans le hall. Nous nous acquittons des 11 lires tuques que coûte la visite et nous engouffrons dans l’ascenseur. Au sommet, quelques personnes prennent un verre au restaurant de la tour. L’intérieur est plutôt calme, mais à l’extérieur, les visiteurs se pressent pour faire le tour de la balustrade et observer la vue à travers l’objectif de leur appareil photo ou de leur caméra. Quant à moi, je ne m’éloigne pas trop de mon homme, jamais complètement à l’aise à ce genre d’altitude…

De retour dans le hall, nous jetons un vague regard à la boutique de souvenirs, quand j’aperçois un amoncellement de carnets de toutes tailles. Je m’approche, irrésistiblement attirée… Et là, je sais que je suis fichue ! Tous plus sublimes les uns que les autres, ces carnets ont des airs de grimoires magiques, donnent l’illusion du cuir tanné ou du bois d’un chêne centenaire. Les pages souples semblent réclamer l’encre violette, l’écriture tremblante et penchée d’une sorcière échevelée. Mon cœur bondit à chaque nouvelle trouvaille, mon imagination se met à tourbillonner et mes mains ne peuvent s’empêcher d’effleurer amoureusement les couvertures. Je prends un temps infini à scruter, palper, mettre de côté puis rattraper finalement… Je délaisse les petits formats et porte mon choix sur deux grands et épais volumes qui m’en coûteront mes derniers billets.

Nous poursuivons notre visite en arpentant Istiklâl Cad., large avenue commerçante où les gens se mettent à danser devant quelques musiciens venus faire l’animation, où les enfants courent après le train automatique, où tout s’anime de bonne humeur et de joie. Les enseignes défilent sous nos yeux, mais c’est Robinson Crusoe 389 qui me coupe le souffle. Une magnifique librairie aux étagères grimpant jusqu’au plafond, ornées d’échelles modernes. Au niveau de la mezzanine, de petits rayons invitant au secret. J’ouvre grand les yeux, me précipite à l’intérieur et commence mon exploration. Je croise Deleuze, Foucault et Simone de Beauvoir au détour d’une étagère. Je salue Paul Auster et David Lodge en passant, souris en apercevant Le Magazine Littéraire, caresse du doigt une édition raffinée de Tolkien… Et invite Wonder Woman à rentrer en France avec moi. Cette librairie, située au n°389 d’Istiklâl Street, est un véritable bijou. Une caverne d’Ali Baba aux trésors de papier.

À proximité se trouve le passage des fleurs à l’ambiance rétro. Nous y prenons un verre, inconfortablement installés, puis entamons le chemin du retour. Sur la pente raide de Silvaselviler caddesi, je lance « nan mais où est-ce qu’il dort lui », surprise par une énorme boule de poils d’origine canine affalée entre deux voitures. Le chien ouvre un œil, se redresse. Il nous jette un regard et se met à nous suivre ! Plus bas dans la rue, nous nous arrêtons pour voir ce qu’il va faire. Le chien nous passe devant, d’un air indifférent. Mais au bout de quelques mètres, il s’arrête, se retourne et semble nous attendre… Comme s’il craignait que nous nous perdions, ce chien, que j’aurais baptisé Hachikô, nous a conduits jusqu’à la station de tram, à environ un kilomètre de là. Une fois sur le quai, celui-ci est reparti comme il était venu, ayant accompli sa « mission »…

De retour à Sultanahmet, nous repassons à la Mosquée bleue où les visites ont repris. À l’intérieur, un groupe de quatre francophones tiennent des propos qui me semblent assez ubuesques : « Si on se déchausse, tout le monde se déchausse. Si les femmes se couvrent la tête, tout le monde se couvre la tête. Sinon, ils vont se faire foutre ». Ce qui me choque, c’est l’intolérance latente, sous couvert de défendre l’égalité des sexes. Je ne suis pas forcément ravie d’avoir à me dissimuler sous un châle, mais je considère que si je fais la démarche de venir dans un pays étranger, c’est à moi de me plier aux coutumes locales et non d’imposer les règles de ma propre culture. Et si je refuse de me soumettre à ces coutumes, et bien je ne vais pas là où j’aurais à le faire, tout simplement. Si les femmes de ce groupe refusent de se couvrir la tête peu importe les circonstances, j’avoue avoir du mal à comprendre leur présence ici. Je ne tiens pas à relancer ici le débat sur le port du voile, la condition de la femme et toutes les complications qui vont avec. Mais peut-être peut-on relativiser un peu en signalant qu’à Istanbul, les hommes laissent systématiquement leur place aux femmes dans les transports en commun, galanterie aujourd’hui disparue en France, et dans des pays comme l’Inde ou le Japon, des compartiments réservés ont même dû être mis en place pour éviter les gestes déplacés de la part de la gent masculine…

Picture Wonder Woman journal / by me

Others / by Thierry Tournié

 

Prochaine escale :

Istanbul – Partie 5

Email this to someoneShare on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInPin on Pinterest

About the Author

Catherine Derieux

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *