« Merci d’avoir appelé la Suède »

Le 6 avril 2016, la Suède devenait officiellement le 1er pays à posséder son propre numéro de téléphone : The Swedish Number. N’importe qui dans le monde peut appeler le +46 771 793 336 et être connecté au hasard à un habitant lambda… ou, pour les chanceux, au Premier ministre !

En 1766, la Suède était le 1er pays à abolir officiellement la censure. The Swedish Number a été créé pour célébrer ces 250 années de liberté d’expression. Depuis l’ouverture de la ligne, plus de 175 000 appels ont été passés, ce qui représente presque un an de communications ! Au total, 186 pays ont appelé le numéro national de la Suède.

La carte des pays qui n'ont pas appelé la Suède

La carte des (rares) pays qui n’ont pas (encore) appelé la Suède

Parmi cette profusion de voix du monde entier, certaines sont parvenues jusqu’à moi.

L’inscription au Swedish Number

D’un point de vue pratique, l’inscription est très simple : on télécharge l’application, on indique son numéro de téléphone (suédois) et son adresse email, c’est à peu près tout. Ensuite, il faut attendre de recevoir un SMS avec un code qui permet l’activation de son compte. En ce qui me concerne, j’ai dû attendre près d’une semaine. L’application était probablement victime de son propre succès, mais j’ai eu beaucoup de mal à garder patience (j’ai dû recommencer mon inscription trois fois dans l’espoir que ça accélère le processus).

Et puis le 21 avril, le fameux sésame est arrivé. J’ai pu terminer mon inscription et commencer à répondre pour la Suède.

The Swedish Number App

Vous êtes à présent connecté et pouvez répondre pour la Suède.

Les premiers appels

Mon premier appel venait d’un Allemand qui avait entendu dire que son nom, Otta, était très répandu en Suède et qui souhaitait savoir si c’était vrai. Nous avons parlé de traduction et d’interprétation, de son voisin suédois qu’il déteste (j’espère qu’appeler la Suède lui a donné une meilleure image du pays) et du niveau d’anglais des Français. Oui, nous sommes toujours connus pour être nuls en anglais.

J’ai reçu des appels très courts où les gens ne savaient pas trop quoi dire et finissaient souvent par me demander le temps qu’il faisait (ça et « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? », deux questions qui revenaient presque systématiquement). J’ai aussi eu un coup de fil de quelqu’un dont je ne comprenais pas la langue et qui ne semblait pas décidé à parler anglais. J’ai eu des groupes hilares où tout le monde parlait en même temps.

Un soir, j’ai oublié d’éteindre l’application (on peut choisir de l’allumer et de l’éteindre selon qu’on est disponible ou non). Il était un peu tard quand le téléphone a sonné. J’ai hésité un instant, puis j’ai décroché. C’était un couple du Botswana, un pays que je sais situer sur une carte pour avoir pas mal joué à GeoMaster, mais à propos duquel je me rends compte que je ne sais rien. Le jeune homme au bout du fil est charmant, sa fiancée tout autant. Ils me posent quelques questions, mais il est tard aussi chez eux et la conversation, aussi sympathique soit-elle, ne dure que quelques minutes. À peine avons-nous raccroché que je regrette déjà de ne pas avoir eu le réflexe de leur retourner leurs questions, de ne pas avoir cherché à en savoir plus sur leur pays, leur vie.

Why The Swedish Number

Pourquoi t’es-tu inscrit pour que des inconnus t’appellent ?

Le monde au bout du fil

Je me suis au départ inscrite sur l’application du Swedish Number pour une raison un peu égoïste : pouvoir dire que j’étais « suédoise » (au moins sur le plan symbolique). Le concept m’enthousiasmait, bien sûr, et j’avais envie de participer à cette première mondiale. Mais il y avait aussi pour moi cette dimension personnelle, ce désir d’intégration. La simple idée d’être du côté des Suédois me rendait heureuse.

Alors je me suis focalisée sur le fait de répondre aux questions qui m’étaient posées, de faire découvrir mon pays d’adoption. Lors des premiers appels, j’étais finalement dans une position assez passive. J’étais passée à côté de quelque chose d’essentiel, d’un potentiel incroyable : j’avais le monde au bout du fil. Moi aussi, je pouvais profiter de l’expérience pour apprendre des choses, m’ouvrir à d’autres cultures. J’ai complètement changé de perspective. Et ça fait toute la différence !

The Swedish Number Call

Appel entrant : le reste du monde

Neerav, des États-Unis

Encore un soir où j’ai oublié d’éteindre l’appli. Encore un soir où il est tard quand je vois « le reste du monde » s’afficher sur l’écran de mon téléphone. Encore un soir où j’hésite à répondre, mais où je décide de découvrir qui se trouve au bout du fil.

C’est Neerav, qui appelle des États-Unis, coincé dans les embouteillages. Et avec qui j’engage une conversation à bâtons rompus. À propos de tout et de rien. De la Suède, bien sûr, qu’il a déjà eu l’occasion de visiter. D’autres pays que nous avons visités tous les deux. Du roman sur lequel je travaille et de celui sur lequel il travaille. De politique. De religion. Lorsque je raccroche enfin, près d’une heure s’est écoulée.

Bien sûr, Neerav est un cas particulier (la durée moyenne d’un appel sur The Swedish Number est de moins de trois minutes). Neerav avait envie de parler. Pas tellement de poser des questions sur la Suède finalement. Juste parler. La différence ? C’est que cette fois-ci, j’étais prête à écouter.

The Swedish Number

« Vous êtes à présent déconnecté »

J’avoue qu’après un temps, je n’oublie plus d’éteindre l’application, mais au contraire de me reconnecter au Swedish Number. L’excitation de la nouveauté est passée. Les appels sont un peu moins fréquents aussi. Et puis lorsque l’appli est branchée, il y a toujours cette pensée en arrière-plan : quand est-ce que le téléphone va sonner ? Difficile alors de continuer tranquillement sa vie sans y penser. En tout cas pour moi.

Mais il y a quelques jours, j’ai reçu un mail de l’Agence suédoise pour le tourisme (Svenska Turistföreningen), à l’origine du projet, annonçant la fermeture de la ligne le 24 juin prochain (je suis tristesse). Alors je me suis reconnectée sur l’appli du Swedish Number dans l’espoir de faire encore quelques belles rencontres téléphoniques avant la fin de l’expérience. Le téléphone ne sonne presque plus. Et bientôt, je n’aurais plus le monde au bout du fil. Heureusement, il est toujours là dehors, prêt à m’accueillir. Et moi à l’explorer !

Il ne vous reste plus que quelques jours pour appeler la Suède. Tentez votre chance ! C’est peut-être moi qui répondrai.

Depuis la France, composez le +33974483777 pour le prix d’un appel local.

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About the Author

Catherine Derieux

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